Conducteurs ordinaires, et extraordinaires, aux prises avec les dispositifs publics. Sociologie des expériences routières et de leurs mises en formes argumentatives. Rapport final.
Résumé- En matière de sécurité routière, les arguments développés par les acteurs semblent, a priori, relever des évidences communes. C'est dans la manière dont les personnes font concrètement usage, ou non, des savoirs partagés, de leurs expériences antérieures, des discours publics et de l'ensemble des outils de vigilance et d'alerte, que se joue la diminution du nombre de victimes de la route. En construisant trois grands corpus de récits d'expériences et d'argumentations (traités avec le logiciel Prospero, les auteurs examinent les conditions d'une modification du sens commun en la matière. Quelles sont les grandes fractures entre les expériences et les argumentaires des uns et des autres ? A quoi imputent-ils l'échec des campagnes de prévention ? Comment percolent les idées alternatives ou les stratégies de réduction des risques ? A travers ces questions, se dégagent de nouvelles façons de concevoir la communication et l'apprentissage en matière de sécurité routière. Avec la présence de l'autre dans l'espace routier, la vigilance n'est pas simplement un travail perceptuel permanent sur son propre rapport au déplacement, mais aussi une réflexivité accrue du fait de l'exigence de compte-rendu du moindre événement perturbateur. L'ensemble des éléments de la nouvelle configuration (augmentation de la répression, plus grande mise en débat, redéfinitions de l'environnement physique via les aménagements successifs incorporant les contraintes de la route...) fait peser sur tous les acteurs, des simples usagers aux porte-parole de groupes ou des instances officielles une contrainte de justification plus grande de leurs pratiques et de leurs doctrines. L'expérience perceptuelle qui sous-tend les mouvements dans l'espace, constitue de fait, le parent pauvre de ces transformations. Il serait important que les protocoles de formation et de prévention prennent plus en compte ce qui se révèle encore trop souvent sur le mode de la subjectivité ineffable, voire de la honte, comme on l'a vu avec les expériences de conduites sportives. Ainsi, on peut repérer dans nos matériaux une sorte de compression de l'expression publique des expériences sensibles les plus ordinaires. En même temps, on voit se développer des formes de résistance jouant sur une inventivité continue qui exploite les failles des dispositifs.
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